Comment apprendre le consentement aux enfants ?

le 23/02/2024 à 11h46 par  - Lecture en 6 min Ajouter à votre selection
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L’éducation à la vie affective et sexuelle est un droit inscrit dans la Convention internationale des droits de l’enfant. Alors même si le sujet n’est pas facile à aborder, il appartient aux parents de sensibiliser leur enfant dès le plus jeune âge à la notion de consentement lié à l’intimité. Pour le protéger d’éventuels abus dans l’enfance et aussi pour en faire un futur adulte sexuellement épanoui. Face à cette mission éducative complexe, le mieux est de procéder progressivement, en posant une brique après l’autre. Les conseils de Maëlle Challan Belval, fondatrice de Comitys, un organisme de formation en éducation affective et sexuelle.

Le respect de l’intégrité physique : ton corps est un trésor à protéger

La toute première étape dans l'apprentissage du consentement consiste à faire comprendre à un enfant que son corps – comme le corps de tous les êtres humains, bébés, enfants, jeunes, vieux, handicapés, etc.- doit être respecté, soigné et protégé. C'est un droit, inscrit dans la loi.

"On peut utiliser la métaphore de la maison, très parlante. Ton corps, c'est comme une maison: c'est un espace dont il faut prendre soin et qu'il faut protéger. Tout comme on fait le ménage dans une maison, on fait sa toilette. Tout comme une maison a une porte et un verrou pour que personne n'y rentre sans être invité, ton corps t'appartient et personne d'autre que toi – ni tes amis, ni des inconnus, ni même des adultes que tu connais – ne peut décider à ta place de ce que tu veux faire de ton corps" explique Maëlle Challan Belval.

Il en retiendra une leçon fondamentale : on ne fait jamais n'importe quoi avec le corps de quelqu'un d'autre et le sien en particulier!

À chacun ses envies : on ressent chacun des choses différentes

Autre préalable indispensable à poser : aider l'enfant à prendre conscience que nous sommes tous différents, avec des goûts et des envies différents.

"On peut partir d'exemples autour des goûts dans la vie de tous les jours: toi, tu adores les yaourts au chocolat ; moi, je préfère ceux à la vanille. Avant d'aborder les envies concernant plus spécifiquement le corps : tu adores quand je te fais des chatouilles mais tu détestes que je touche tes cheveux ; moi, j'aime bien qu'on me gratouille la tête" propose Maëlle Challan Belval. Il s'agit de lui expliquer que nous n'avons pas tous la même manière de montrer notre tendresse et que nous pouvons ne pas apprécier celle des autres. "Il est important qu'un enfant sache écouter ce qu'il ressent dans son corps – plaisir, déplaisir, malaise, oppression – face aux manifestations d'affection des autres et surtout ose le dire" poursuit-elle.

Sans s'en rendre compte, les adultes prennent parfois l'initiative de gestes affectueux pas ajustés aux envies de l'enfant.

Donner son accord, formuler son désaccord : le droit de dire non sans drame

Pour qu'un enfant réussisse à formuler clairement qu'un type de câlin ou de contact physique le gêne, il faut déjà qu'il se sente autorisé au quotidien à exprimer son désaccord sur des sujets qui le concernent (nourriture, jeux, vêtements, etc.).

"Cela ne veut pas dire céder à tout, mais simplement lui permettre de dire "non, ça je ne veux pas!" sans que cela déclenche un drame et en lui montrant au contraire qu'il a droit à cette parole" insiste Maëlle Challan Belval. Il aura ensuite d'autant plus de facilité à se manifester quand il n'apprécie pas les bisous qu'on lui demande de faire, par exemple pour dire bonjour à des adultes. "Bien sûr qu'un enfant doit apprendre les codes de la politesse. Mais s'il est rétif à certains gestes, ses parents peuvent essayer de trouver avec lui des alternatives socialement acceptables qui ne le mettent pas mal à l'aise physiquement" ajoute-t-elle. Par exemple, on peut lui proposer: tu serais d'accord pour faire un petit signe avec ta main pour dire bonjour à la voisine?

L’alignement intérieur : quand la tête dit non, ne pas forcer le corps

À la maternelle ou à la maison, il est fréquent qu'après une dispute, l'adulte demande aux deux petits bagarreurs de se faire un bisou ou un câlin pour se réconcilier. Une initiative malheureusement pas appropriée. "Alors que l'enfant est sans doute encore très fâché dans sa tête, on l'oblige à un geste de tendresse avec son corps. Autrement dit, on lui apprend que même si on n'est pas d'accord avec sa tête, on doit quand même faire les choses avec son corps. Ancrer dans son psychisme qu'une telle absence d'alignement entre la tête et le corps est normale serait très préjudiciable pour la suite de sa vie affective" alerte Maëlle Challan Belval.
La leçon qu'il doit retenir: s'il n'est pas d'accord pour un bisou ou un câlin, s'il n'en a pas envie, rien ne l'oblige à le faire, c'est son droit de refuser. "Les adultes doivent alors se garder de tout jugement du type "tu n'es vraiment pas gentil". Ou pire encore lui promettre une récompense ou le menacer d'une punition pour obtenir son accord" souligne la spécialiste.

Le consentement lié à l’intimité : dire à l'enfant que son intimité est protégée par la loi

Une fois tous ces préalables posés, voilà que nous en arrivons au cœur du sujet: le consentement aux gestes d'intimité. Là encore, il est possible de partir d'exemples très simples: un enfant ne peut pas conduire une voiture, acheter une maison ou voter, tout simplement parce qu'il n'est pas prêt pour cela. De la même manière, un adulte ne peut pas demander à un enfant des caresses sexuelles ou des baisers sexuels, que ce soit sur le corps de l'enfant ou sur le corps de l'adulte, parce qu'un enfant n'est pas prêt pour vivre cela.

"Il est essentiel de lui préciser que c'est la loi qui dit cela. Alors si un adulte lui fait un jour une telle demande, c'est qu'il fera quelque chose d'interdit par la loi et il aura toujours tort" précise-t-elle. Pour aller un peu plus loin, il est utile d'évoquer le cas des adultes. "Entre eux, ils ont le droit d'avoir des gestes sexuels, cela peut même être très agréable. Mais il faut toujours que les deux soient d'accord pour cela" développe Maëlle Challan Belval. L'enfant comprend ainsi que le consentement n'est pas une affaire réservée aux "petits" mais une règle des relations amoureuses et affectives pour toute la vie!

Trouver des personnes de confiance : à qui voudrais-tu parler si tu avais une peine ou une gêne ?

Si un enfant vit une expérience désagréable ou pire, un abus sexuel, il est primordial qu'il ait le réflexe d'en parler à un adulte de confiance. "Apprendre à demander de l'aide auprès de personnes ressources est une compétence psychosociale importante à développer chez un enfant. Pour cela, les parents peuvent de temps en temps le questionner: si tu faisais pipi dans ta culotte à la crèche ou à l'école et que tu étais très ennuyé, à qui demanderais-tu de l'aide? Si tu te disputais avec un copain et que cela te rendait très triste, à qui aurais-tu envie d'en parler?" suggère la spécialiste. Il s'agit d'installer l'idée qu'il existe toujours autour de lui des adultes qui pourront l'écouter et lui apporter des solutions. Les parents peuvent d'ailleurs montrer l'exemple en racontant leurs propres expériences: j'avais un souci au travail, j'ai demandé de l'aide à mon collègue et il m'a aidé(e) à le résoudre.

Maëlle Challan Belval est autrice de "Oser parler d'amour et de sexualité avec ses enfants", éd. Dunod Poche. Sur le site internet de Comitys, on peut trouver de nombreux outils pédagogiques.

© Editions Dunod

"Oser parler d'amour et de sexualité avec ses enfants", de Maëlle Challan Belval.

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Conseillère conjugale de formation, Maëlle Challan Belval a rédigé et mis en place, depuis 20 ans, des parcours pour les enfants et les adolescents, dans le cadre scolaire, sur la puberté, la vie amoureuse, l'estime de soi, les compétences psychosociales, la prévention du harcèlement, le consentement... Elle a créé et préside l'organisme de formation Comitys, spécialisé dans l'éducation affective, relationnelle et sexuelle.

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